Hubert Selby Jr tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme dans son livre "Le Démon". On ne sait jamais qui se cache réellement derrière un sourire, une bienséance, alors mesdames, méfions-nous de nos rencontres, car la folie ordinaire est la plus dangereuse, elle ne se voit pas, on ne s'en méfie pas.
A travers ce livre selby démonte le mécanisme bien huilé de la pensée commune d'une génération agrippée aux mensonges proférés au nom de la liberté. Comme le disait si bien Richard Burton dans Absolution "La liberté est une bannière brandie par des gens peu scrupuleux" L'utilisation des femmes les plus naïves pour assouvir des fantasmes purement masculins peut engendrer le pire, leur docilité peut mener leur partenaire à se croire investi du pouvoir divin, Le démon en fait la démonstration. Harry va aller au bout de son expérience, s'il se libère à chaque passage à l'acte de son carcan éducatif, c'est en souillant dans son esprit celle là même qui a fait de lui celui qu'il est, à savoir LA femme, la mère.
Ainsi les femmes qui ont croisés le chemin d'Harry White pourraient bien aujourd'hui faire le chemin de Compostelle et remercier éternellement Dieu et les siens d'avoir échapper à une fin des plus tragique. Harry est le quidam au coin d'un bar, le collègue de boulot, l'homme à la queue propre, capote à la main, le parfait amant d'une nuit, enfant chéri de ses parents, jeune cadre ambitieux. Sauf que.
Pour réfréner sa surexcitation constante, il se plonge corps et âme dans son boulot. Le frisson d'un nouveau challenge, le comble, un temps. Harry cumule les heures sans compter, il est à bout. Pendant ce temps, il y a toutes ses femmes dehors qu'il pourrait souiller. Harry est malade, des entrailles au cerveau, le mal se nourrit de ses peurs, de ses angoisses, de ses névroses. Un mal terriblement lancinant, irréversible, une force irrésistible semble le pousser vers le meurtre, la folie, la mort.
Selby nous traine dans les tréfonds d'un univers peuplé de rats, et d'individus encore moindre où le respect de soi et des autres n'a plus lieu. Malgré le dégoût que son être lui inflige, Harry s'accroche à la normalité, se mari, goute au bonheur, mais inexorablement l'écriture impitoyable de Selby le ramène vers son lui le plus profond, le plus sombre.
Malgré ma répulsion lors de chapitres dont mon estomac se souviendra encore longtemps, malgré mon sommeil saccadé de cauchemars, rien à faire, la moindre seconde de temps libre était consacrée à cette torture jouissive, la lecture de ce bijou malsain. Souvent comparé avec facilité à American Psycho, Le démon mérite mieux. Point de masturbation cérébrale ici. Avec Selby c'est plutôt du côté de Taxi driver et de sa faune que ça se situe, pour le décor, et du Zola de Germinal pour le message. A la bourgeoisie qui s'est toujours crue tout permis, Selby tend un doigt bien raide auquel s'ajoute le mien.