samedi 16 mars 2019

Getty contre Getty



Le 10 Juillet 1973, John Paul Getty III est kidnappé sur la piazza novana à Rome, Italie. Son grand père n'étant autre que le célèbre et multi-milliardaire John Paul Getty, -nous devinons ainsi le pourquoi. Le par qui et le comment en revanche sont -si les faits n'étaient pas si tragiques- totalement ubuesques, car la mafia qui faisait alors ses premiers pas dans ce genre de pratique, aura également à affronter le redoutable grand père qui ne voudra rien lâcher, mais également une Italie à feu et à sang, prise dans ces fameuses années de plomb. Après d'âpres négociations avec le magnat du pétrole, le jeune homme sera finalement rendu aux siens six mois plus tard, et une oreille en moins. Les ravisseurs quand à eux ne seront jamais vraiment inquiétés, nous sommes en Italie ;)


Cette truculente histoire avait défrayée toutes les chroniques à l'époque des faits, et c'est sous cet angle là qu'elle nous revient successivement en 2017 puis 2018, sous la forme d'un film et d'une série. Tout l'argent du monde de Ridley Scoott, et Trust, une série écrite et réalisé par Simon Beaufoy. Je dis bien sous cet angle, car avec les Getty père et fils, il y aurait de quoi alimenter la banque des séries sur plusieurs saisons, à faire pâlir Dallas et Dynastie. 


Dans le film, les personnages et la réalisation joueront sur la sobriété, contrairement à la série qui optera pour une surenchère très seventies, mais qui s'en plaindrait, encore une fois, nous sommes en Italie. Christopher Plummer essaiera de sauver le film d'un casting trop convenu, et bien malvenu, mais ça ne le fera que sans plus. La série quand à elle s'en portera beaucoup mieux, non seulement par la présence de Primo, un second couteau interprété haut la main par Luca Marinelli qui gangrène littéralement l'écran et un Donald Sutherland à l'élégance décatie. A la réussite d'avoir su capter parfaitement le contraste entre le jeune hippie friqué qui se la joue artiste vagabond et le tout aussi jeune Primo à la folie aussi aiguisée que son dévorant appétit de fortune, s'ajoute celle de nous bringuebaler dans l'Italie éternellement majestueuse de Rome jusqu'à celle pétrie de misère de la Calabre peuplée d'ignorants apeurés, soumis à la domination  sans pitié de 'Ndrangheta.  


De là va se jouer une relecture du Corbeau et le renard dans laquelle John Getty III réduit à un fétu de chair, qu'on ne prend même plus la peine de tenir en laisse, devient simple figurant de sa propre fable, dépecé d'une part par le bec acéré du corbeau qui ne veut rien lâcher, et dévoré de l'autre par les crocs affamés du renard. Au terme de quoi il ne restera de lui qu'un fantôme errant pied nu dans la neige, l'esprit définitivement égaré. 


Démonstration est faite que l'argent sans mode d'emploi, a la morale de celui qui l'écoule.