jeudi 15 août 2013

Mr Ripley


Selon Pétrarque, l'Envie, justifiée par l'ardeur d'un amour, est innocente et poétique. Dans la Bible ou chez Descartes, l'Envie est laide et borgne. Ok ! Nous voilà pile poil dans le vif du sujet de Plein Soleil, un film de 1960 que nous offre René Clément.
Oui, Tom Ripley (Alain Delon) est un jeune homme ambitieux, opportuniste, envieux, mais comment ne le serions nous pas aussi face à cet autre détestable jeune homme (Maurice Ronet) pourri-gâté par l'argent de ses parents, ingrat par dessus le marché, prétentieux, suffisant. 


Oui, Tom Ripley issu de la classe ouvrière est fasciné par cette Dolce Vita, par l'aisance et l'assurance de Philippe Greenleaf. Il l'envie. Alors pourquoi diable ce même Philippe est-il aussi arrogant, méprisant et désabusé ? Il le hait ! Tom ne veut pas faire parti de ce décor. Il veut être Philippe Greenleaf. 

Alors, il l'épie, il l’étudie, jusqu'à prendre sa voix, ses attitudes, falsifier ses papiers d'identité. L'illusion est quasi parfaite. Manque plus qu'à se débarrasser de ce jeune con encombrant...
La force de Plein soleil, c'est qu'il y fait chaud, très chaud. Ajoutons à cela la beauté sauvage et hypnotique, le jeu instinctif, voire animal, d'Alain Delon, le regard de René Clément et nous obtenons un superbe et suffoquant huis-clos.
La 2ème force et pas des moindres réside dans l'histoire, tirée rappelons-le du roman de Patricia Highsmith "Monsieur Ripley" et de la subtilité avec laquelle l'auteur se joue de flatter la part d'ombre qui est en nous,  nous faisant ainsi toujours plus aimer le bourreau que la victime.

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Presque 40 ans plus tard, Le talentueux Mr Ripley d'Anthony Minghella voit le jour. Vu tout l'amour que j'éprouve pour les remakes, je me devais de parler de celui-ci. Je me devais d'en parler car tout y est. Le même sujet traité différemment. 


Des personnages supplémentaires sont présents agissant comme des grains de sables dans ces rouages bien huilés. On marche, on est à fond dedans. Matt Damon a la gueule de l'emploi pour interpréter Tom Ripley, il y a aussi Jude Law, Philip Seymour Hoffman, etc...un casting sans risque en somme, et une bande sonore parfaite. C'est un film honnête, prenant, bien cousu. 


Cependant, après avoir laissé reposé le tout, on se rend compte que le film est trop appliqué, trop confortable, Anthony Minghella roule à 70km/h dans une Formule 1. Alors s'il ne devait en rester qu'un, se serait bien évidement Plein soleil, même si sur le moment on s'est dit qu'il y avait peut-être des longueurs, que Delon était peut-être un peu vert, que Maurice Ronet jouait comme une patate (bon ça c'est vrai), que Marie Laforêt était inexpressive (ça aussi c'est vrai). Mais il a ce je-ne-sais-quoi, cette chose en plus. René Clément est malin, ses longueurs n'en sont pas, juste des plages de silence indispensables, nécessaires. Pendant ce temps, comme dans les meilleurs Hitchcock on écrit la trame, on est réalisateur ou auteur, peu importe, on fait parti intégrante de l'aventure. Puis on laisse le charme opérer tout simplement.

14 commentaires:

  1. Bravo ma chérie, super papier. Mieux que le film à mon avis mais ça c'est une autre histoire. Et puis ce Alain Delon, quoiqu'en disent les cons, ça reste notre star interplanétaire à nous, lui et BB. La classe.
    Hugo

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    1. Merci ;D Tiens, je te mets le lien d'une récente interview d' Alain Delon ;D

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    2. Merci pour l'interview, c'est bien ce que je disais, la classe.

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  2. Bien écrit! je suis sure que je vais préférer moi aussi le premier!
    bises, Stef

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  3. Merci Stef. Le remake est bien aussi. C'est un rôle cousu de fil blanc pour Matt Damon et les autres aussi. Le top c'est de se faire les deux à un jour d'intervalle, et comme je dis, de laisser reposer.
    bises
    Sylvie

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  4. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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    1. Ah, cette version est terrible oui ! Eh bien moi aussi j'ai préféré le remake sur le coup (bien que je ne sois pas de ton avis pour Jude Law, mais bon, c'est très légitime, il interprète ce rôle à la perfection et certainement bien mieux que Ronet). Mais ensuite, tout ce qui est Italien n'est pas forcément Félinien, parce que là, je ne te suis plus. C'est pour ma part beaucoup plus fin que ça... L'original est tourné comme Vertigo, et René Clément prend beaucoup plus de risques que dans le remake. Et puis Alain Delon, c'est la beauté du diable incarnée, alors que Jude Law euh.... sans vouloir t'offenser, on en reparlera certainement dans quelques temps mais bon... il est quand même à des milliers d'années lumière d'avoir ne serait-ce qu'un dixième de l'envergure de Delon.... ;D
      Bises aussi -_'

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    2. Si j'aime bien Jude Law, j'avais d'ailleurs adoré Final Cut et Closer, et Entre adultes consentants, je n'ai rien contre lui ;D Mais face à une beauté latine pour moi il n'y a pas photo ;)
      Pour le côté Fellinien et pour le remake de plein soleil : " ...Il y a une race de réalisateur qui, ne voulant raconter qu'une histoire, ne nous laissent dans la tête qu'une intrigue sans écho..." dixit Françoise Sagan.
      C'est l'exacte différence entre ces deux films. Même si le remake est bon et excellemment interprété, le réalisateur nous pré-chie tellement le travail, qu'à la fin il ne nous en reste plus grand chose...
      Bises

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    3. Bon ça n'a pas loupé après ton superbe papier j'ai de nouveau maté "Plein Soleil".
      je l'avais vu quand j'étais minot (une paye donc!) et il m'avait passablement ennuyé. Maintenant que je suis plus à même de le savourer, je me rends compte à quel point ce film a gardé toute sa modernité: sa narration éclatée, son utilisation à contre courant de la musique de Nino Rota, ses compositions de plans colorés à l'extrême et son jeu d'acteur naturaliste le rendent des plus singuliers.
      Pour son premier rôle d'envergure Delon fait des merveilles avec une économie de mots et de gestes qui soulignent d'autant plus le caractère malsain de son personnage d'arriviste meurtrier. Il se comporte tel un prédateur face à sa proie qui est interprétée par un Maurice Ronet qui sait admirablement se rendre détestable dans son rôle de parvenu qui ne respecte rien ni personne.
      René Clément retranscrit avec talent toute l'ambiguïté qui lient les personnages entre eux (le couple Delon-Ronet et sa relation d'admiration/haine; l'amour/haine éprouvé par le couple Ronet-Laforet et l'attirance animale qu'exerce Delon sur Laforet).
      Seul bémol que Ripley se fasse prendre à la fin du film alors que dans le livre il s'en tirait à bon compte (d'ailleurs Patricia Higsmith utilisera cet anti-héros torve dans quatre autre de ses romans).
      De la fructueuse collaboration Cément-Delon (ce dernier ne tarit pas d'éloge à son sujet car il sait ce qu'il lui doit), je ne saurais trop vous conseiller l'excellent -et bien trop méconnu- "Quelle joie de vivre" qui traite d'un sujet grave (la montée du fascisme en Italie) avec une légèreté teintée d'une douce amertume.

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    4. Cher Harry Max, j'en ai profité pour revoir La Piscine, quel chef-d’œuvre ! Mais revenons à notre Mr Ripley, arriviste meurtrier comme tu le dis si bien, et à cette fin macabrement ironique. Je n'ai pas encore lu le bouquin, mais cela aurait pu être le genre de surprise d'humour noir de notre Patricia Highsmith ;D
      Est-ce que tu as vu le remake ?

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    5. Vous pouvez bien raconter ce que vous voulez, tout ça ne vaut pas Airport 80 Concorde. LE chef d'oeuvre d'Alain Delon.
      Hugo

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    6. Le remake, il me semble l'avoir vu mais sitôt oublier...
      Quant à "La Piscine" et Romy Schneider au sommet de sa beauté, ne m'en parle pas malheureuse, car tu me donnes des frissons là!

      Non, je t'arrête tout de suite Hugo, LE chef d'oeuvre de Delon, c'est "Dancing Machine" (Sieur Bernard te le confirmera)...

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  5. Très bien écrit chapeau Sylvie !! ... En adaptation de Patricia Highsmith je préfère "L'inconnu du Nord Express" d'Alfred Hitchcock qui arrive à nous faire plus aimer le méchant que le gentil !

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