lundi 26 octobre 2020

Carl Theodor Dreyer = Ordet


 

Dans la sagesse et la bonté qu'il y insuffle, chaque film de Carl Theodor Dreyer est une reconnexion à soi, un moment hors temps, privilégié, où plus rien n'existe autour. Grace à l'utilisation de la lumière poussée à l'extrême d'un côté comme de l'autre et ses "arrêts" sur images, ses gros plans épatants, Dreyer nous confine malicieusement dans un huis clos, toujours propice à la réflexion, l'introspection. Dans Ordet par exemple (La Parole en Français), il n'y a pas de générique, et nous voilà avec les clés d'un domaine cossu, solide, où les membres d'une même famille sont à la recherche d'un des leur dans les dunes du Jutland. Ils ne semblent pas plus affolés que ça, mais tout de même. C'est Johannes, le deuxième fils. Il est en pleine crise mystique. Intra muros, on fait mine d'ignorer ses visions et ses prophéties, mais on tient quand même à ce qu'il ne s'éloigne pas trop. Dehors, l'image est claire, le vent fait danser le linge et les herbes. A l'intérieur, chaque chose est à sa place, comme figée dans sa certitude. Aurait-on ainsi perdu toute foi, la vraie force qui anime et fait vibrer ce monde, ou faisons nous les choses lâchement par acquis de conscience ?   


Ordet est plus qu'une fable, c'est la pureté, la sagesse, la félicité. Accrochez-vous cependant, Dreyer va vous plonger dans de grandes profondeurs jusqu'à vous broyer, et vous faire remonter à la surface plus vite que vous n'y pensiez, dans la lumière éblouissante, divine. Vous n'êtes pas prêts.

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Contrairement aux apparences, le cinéma de Dreyer est, à travers ses puissants silences et ses images plus gothique tu meurs, extrêmement moderne, quand aux sujets soulevés et offerts. La Femme, à travers qui passe toute (r)évolution, devra affronter tour à tour, le joug d'une belle-mère austère et castratrice, le regard d'une société masculine archaïque et inquisitrice (La Passion Jeanne d'Arc ou Jour de colère), ou bien, comme dans Gertrud, la place de la femme dans l'évolution, Gertrud émancipée, qui se fout du qu'en-dira-t-on, mais dont les affres du temps attendront au tournant. Nouvelles libertés, nouveaux pièges.

8 commentaires:

  1. Le genre de film à te foutre la pétoche rien qu'à voir la tronche du faux Raspoutine, tout ça m'a l'air noir, presque sectaire, à voir les photos et certainement très protestant, Jour de colère fini par enfoncer les clous ... (encore un je glisssssssssssssssssssse).

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    1. Je vais le remanier un peu, je trouve que je n'ai pas bien élever Dreyer à sa juste valeur, sa modernité, son audace. Et détrompe-toi, Ordet est comme une fable, un conte de noël, t'en ressort le cœur gonflé à bloc et le regard émerveillé. Pour le reste, regarde bien les images, on dirait des tableaux, c'est fascinant. Et puis le noir, ça va avec tout ;))

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    2. Je m'apprêtais à l'écrire, les photos, superbes, sont composées comme des tableaux. Certaines évoquent beaucoup les peintres baroques, comme Rembrandt.
      https://www.grandspeintres.com/wp-content/uploads/2019/04/Le-Syndic-de-la-guilde-des-drapiers-Rembrandt.jpg
      La lumière est très travaillée. Je ne pense pas avoir vu de film de Dreyer, mais c'est perceptible sur les photos. Il y a pas mal d'années j'avais aussi été fasciné par le travail d'Eisenstein lors d'une rétrospective à Paris.

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    3. Mais oui !!! C'est exactement ça. Rembrandt est le peintre que je voulais citer, au départ de mon papier, puis au final je l'ai raccourci de fou, parce que j'étais partie sur un truc péplumesque, et dans ces cas là je me connais, je renonce à publier. Alors voilà qui est fait, et je t'en remercie infiniment ;) J'ai essayé de remanier le texte, mais c'était pas terrible, je me suis dit que j'en ferai une autre partie dans la semaine, parce qu'il est danois, et que ça m'amenais vers autre chose (teasing) ;D

      Eisenstein j'aime beaucoup aussi, ça me donne d'ailleurs envie d'en revoir. Très acide comme cinéma ;)

      Pour Dreyer, tu as La Passion de Jeanne d'Arc, film muet, mais chef d'oeuvre intersidéral, et tous les parlants, je ne saurais lequel de conseiller de voir en premier, si ce n'est Ordet pourquoi pas ;)

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    4. J'avais bien remarqué le côté très photographique, quand même, mais alors le Raspoutine il me fait peur quand même 👻✝

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    5. Il est inquiétant oui ;) Mais il est habité par Dieu en personne, et ses interventions se révèlent parfois cocasses, et le twist de la fin est juste euh... je n'en dis pas plus ;))

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  2. Je vais plutôt me remettre Rabbie Jacob !!!
    :-D

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    1. Tu fais de la rétention, je te vois. Attention de pas exploser ;D

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